Dermatologues : pourquoi leur rareté s’accentue ?

25 août 2025

En France, le nombre de dermatologues en exercice baisse alors que la demande de consultations augmente chaque année. Dans certains départements, il faut patienter jusqu’à huit mois pour obtenir un rendez-vous, contre moins de deux semaines il y a dix ans. Les jeunes médecins, eux, se détournent de cette spécialité, notamment en raison de quotas stricts à l’internat et de conditions d’installation jugées peu attractives.

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La fracture s’élargit un peu plus chaque année, laissant certains territoires sans recours rapide. La majorité des dermatologues exerce en ville, tandis que les campagnes s’enfoncent dans la pénurie. L’accès aux soins, déjà inégal, devient un parcours du combattant pour des milliers de patients.

La dermatologie en France : état des lieux d’une spécialité en tension

Autrefois perçue comme une spécialité de confort, la dermatologie occupe aujourd’hui un rôle central dans le système de santé français. Le vieillissement démographique, la hausse du nombre de cancers cutanés et la multiplication des maladies chroniques bouleversent à la fois les parcours des patients et les pratiques des médecins. Pourtant, la tendance est à la baisse : moins de 3 700 dermatologues exercent actuellement dans l’Hexagone, soit un pour 18 000 habitants. Le déséquilibre saute aux yeux.

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Dans les grandes villes, il reste possible d’obtenir un rendez-vous spécialisé dans un délai raisonnable. Mais ailleurs, la situation se détériore : attendre dix mois pour consulter un dermatologue n’a plus rien d’exceptionnel. Les zones rurales et périurbaines, classées « sous-dotées », se transforment en déserts médicaux pour tout ce qui touche à la peau. Cette pénurie complique la tâche des généralistes, contraints de poser des diagnostics complexes sans disposer de la formation ou des outils nécessaires.

Voici quelques réalités qui illustrent la pression sur la discipline :

  • Répartition inégale des spécialistes sur le territoire
  • Délais de rendez-vous en forte augmentation
  • Pression accrue sur les médecins généralistes

La démographie médicale, déjà fragile, se heurte à une mécanique bien huilée : les départs à la retraite s’enchaînent sans que la relève ne suive, et les installations privilégient l’urbanité, là où la patientèle est nombreuse et l’environnement professionnel plus stimulant. Le système de santé a de plus en plus de mal à garantir un suivi dermatologique, du dépistage au traitement, à tous les Français.

Pourquoi les dermatologues se font-ils de plus en plus rares ?

La raréfaction des spécialistes ne doit rien au hasard. Elle résulte d’un numerus clausus longtemps verrouillé : pendant des années, l’accès à la formation médicale s’est vu limité, stabilisant ou réduisant le nombre de dermatologues diplômés chaque année. Le cursus, long et exigeant, pousse aussi certains internes vers des voies jugées plus stimulantes ou mieux reconnues.

Les jeunes praticiens, lorsqu’ils s’installent, optent massivement pour les agglomérations déjà bien dotées. Plusieurs raisons les y poussent : volume de travail, isolement professionnel en zone rurale, difficulté à accéder à du matériel moderne. La dermatologie, qui navigue entre médecine et chirurgie, demande du temps, mais la rémunération n’évolue guère. À l’heure où la demande explose, une consultation rapporte environ 30 euros, selon l’Assurance Maladie. Ce tarif, peu valorisant, pèse dans la balance.

Les principales causes de la pénurie se résument ainsi :

  • Formation médicale restreinte par le numerus clausus
  • Attractivité insuffisante de la spécialité
  • Concentration des installations en zones urbaines

La pression démographique s’intensifie. Les départs à la retraite laissent des vides, jamais comblés. Les médecins généralistes, déjà débordés, absorbent une partie du flux, mais la prise en charge de maladies de la peau, parfois complexes, réclame un savoir-faire pointu. Difficile d’améliorer la situation tant que le financement et l’organisation du secteur restent figés. Résultat : l’attente s’éternise, la prise en charge s’effrite, et les patients se retrouvent ballotés entre médecin traitant, délais interminables et inquiétudes persistantes.

Accès aux soins : des inégalités qui marquent le territoire

Consulter un dermatologue ne relève pas des mêmes chances partout en France. Les statistiques font froid dans le dos : dans de nombreuses régions rurales ou périurbaines, l’accès relève du privilège. L’ouest, le centre, la vallée du Rhône cumulent des délais dépassant parfois six mois. Dans ces départements, faute de spécialiste, les patients se tournent vers leur médecin généraliste, qui n’a ni l’expertise ni les outils pour détecter précocement certains cancers de la peau ou prendre en charge des maladies cutanées complexes.

À Paris ou sur la Côte d’Azur, la densité de dermatologues reste nettement supérieure à la moyenne. La démographie médicale dessine ainsi une géographie à deux vitesses. Les disparités pèsent lourdement sur le parcours de soins : une lésion suspecte à Chartres sera souvent traitée avec des mois de retard par rapport à Marseille ou Lyon. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais d’une organisation du système de santé qui a longtemps privilégié certaines zones au détriment d’autres.

Pour répondre, timidement, à ce déséquilibre, la télémédecine commence à s’installer. Téléconsultations, télé-expertises, plateformes numériques : ces outils dépannent, mais ne remplacent ni l’examen physique ni l’acte technique. Les maisons de santé pluriprofessionnelles essaient de mutualiser les moyens et les compétences, mais leur développement est inégal, freiné par la logistique, l’habitude et la fracture numérique qui persiste encore dans de nombreux territoires.

médecin dermatologue

Quelles maladies sont concernées et comment la pénurie impacte les patients ?

Les maladies de la peau ne se limitent pas à une gêne passagère ou à une question d’apparence. Elles couvrent un spectre immense, des pathologies bénignes aux affections graves. Le cancer de la peau, en particulier le mélanome, exige une détection rapide : chaque mois de retard pèse sur le pronostic. Les grains de beauté atypiques, jadis suivis de près, échappent désormais au repérage dans de vastes zones sans spécialiste.

Dans la réalité des cabinets, le psoriasis, l’eczéma et l’acné représentent la majorité des consultations. Ces maladies, loin d’être secondaires, perturbent la vie quotidienne : démangeaisons, douleurs persistantes, impact sur la santé mentale. Faute de dermatologue, les patients se rabattent sur leur médecin généraliste. Malgré la bonne volonté, le suivi reste souvent sommaire : manque de temps, d’outils, de formation pointue.

Voici quelques conséquences concrètes de cette pénurie sur le terrain :

  • Retards de diagnostic pour les lésions suspectes
  • Allongement des délais de traitement
  • Exacerbation des symptômes faute de prise en charge spécialisée

Les maladies cutanées rares ou complexes, comme certaines vascularites ou pathologies auto-immunes, pâtissent de cette raréfaction encore plus durement. Au-delà des conséquences médicales, c’est l’estime de soi, la vie sociale, parfois l’emploi qui vacillent. Le système de santé laisse s’installer une attente silencieuse, où chaque grain de beauté suspect devient un sujet d’angoisse qui s’éternise. Cette pénurie, loin d’être un simple chiffre, se lit sur la peau et dans le quotidien de milliers de Français. Jusqu’où faudra-t-il attendre pour inverser la tendance ?

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